L’échec des établissements publics : Les mécanismes de gouvernance en question !

La réforme des établissements publics se porte mal. C’est ce qui transparaît de l’analyse de la classification des établissements publics publiée par le ministère des finances le 03 janvier 2023. Six ans après la réforme, il apparaît que 93,33% d’établissements publics ont régressé et/ou stagné à la même catégorie (exception faite de la 1ière catégorie dont le maintien est considéré comme un succès). Cette nouvelle classification nous donne alors le prétexte d’affirmer que la réforme des établissements publics amorcée en 2017 ne saurait produire des changements attendus en l’absence d’une attention accordée à la qualité des mécanismes de gouvernance. En effet, à la lumière de la théorie du changement qui postulait que les incitations promises aux organes sociaux à travers la catégorisation des établissements publics sont un argument attractif pour impulser le changement, il ressort que les établissements qui se démarquent par leur performance sont conformes à la réglementation et respectent les exigences de gouvernance. A l’inverse, ceux qui se caractérisent par une faible performance (du fait de leur régression ou leur stagnation dans les différentes catégories) brillent par leur incivisme managérial. A la faveur de la publication du classement des entreprises et établissements publics le 3 janvier 2022, il convient de présenter les principaux constats (I) d’analyser les caractéristiques des établissements qui ont progressé (2) et celles des établissements publics qui ont régressé (3). Les établissements qui ont stagné, plus nombreux, ne font pas l’objet d’intérêt dans la présente réflexion.

  1. Principaux constats

Sur 75 établissements,

  • 3 ont substantiellement amélioré leurs performances. Ils ont changé de catégories : l’Agence d’Electrification Rurale (AER) qui passe de la cinquième catégorie à la quatrième ; l’Agence de Régulation du Secteur de l’Electricité (ARSEL) qui passe aussi de la cinquième catégorie à la quatrième et le Fonds Routier (FR) qui passe de la cinquième catégorie à la deuxième. Ce dernier enregistre la meilleure performance.
  • 6 ont régressé : Centrale Nationale d’Approvisionnement en Médicaments et Consommables Médicaux (CENAME) qui passe de la troisième à la cinquième catégorie. Celui-ci enregistre la régression la plus importante ; le Fonds de Développement des Filières Cacao et Café (FODECC) qui passe de la troisième à la quatrième catégorie ; le Fonds National de l’Emploi (FNE) qui passe de la troisième à la quatrième catégorie ; le Centre International de Référence Chantal BIYA (CIRCB) qui passe de la quatrième à la cinquième catégorie ; l’Institut de Recherches Agricoles pour le Développement (IRAD) qui passe de la quatrième à la cinquième catégorie ; et enfin la Société de Développement du Cacao (SODECAO) qui passe de la quatrième à la cinquième catégorie.
  • 66 ont stagné et se maintiennent à la même catégorie dont 2 à la première catégorie, qui ne peuvent pas connaître de progression. Pour elles, on considère que c’est une bonne performance. 64 soit 85,33% établissements publics n’ont pas connu une amélioration substantielle de leur performance.

On en conclut donc que sur 75 établissements, 5 ont réalisé de bonnes performances dont 3 qui ont progressé et 2 qui se sont maintenus à la première catégorie notamment la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) et le Fonds d’Equipement Intercommunal (FEICOM), 6 ont régressé et 64 ont stagné soit un total de 93,33% qui ont connu une faible performance.

LANAVET qui était à la cinquième catégorie en 2019 n’apparait plus dans le classement des établissements en 2022 mais dans la rubrique des entreprises publiques en 5ième catégorie.

  1. Les établissements publics qui ont progressé appliquent les mécanismes de gouvernance

Les rapports de la CTR sur la situation des entreprises et établissements publics sont une source fiable pour répondre à cette question. Nous nous référons principalement au rapport de 2020 et accessoirement au rapport de 2019. Il ressort que les établissements qui ont progressé sont caractérisés par une bonne gouvernance : la Conformation à la réglementation, la disponibilité et le fonctionnement effectif des organes sociaux et de leurs comités spécialisés, la production et l’approbation des comptes dans les délais légaux.

En 2020, exception faite de la session des comptes hors délais légaux, les organes sociaux de l’agence de régulation du secteur de l’électricité (ARSEL) se sont régulièrement tenues. L’agence a d’ailleurs créé un poste de contrôleur de gestion. Cela lui a permis d’enregistrer de belles améliorations quant à son système d’audit interne. En outre, malgré une mobilisation partielle du budget, l’ARSEL a pu mener des actions en vue de l’optimisation du fonctionnement des unités opérationnelles, ainsi que le suivi des projets du secteur de l’électricité nonobstant les difficultés sécuritaires.

En 2019, à l’AER, on note la tenue régulière des réunions des organes sociaux et le respect du délai de transmission de la documentation conformément à la réglementation.

Le fonds routier n’a pas fait l’objet d’évaluation dans les rapports de la CTR pour 2019 et 2020.

Les deux établissements qui se sont maintenus à la 1ière catégorie enregistrent de bonnes performances : (1) la CNPS (tient régulièrement ses sessions de conseil d’administration dans les délais légaux, dispose de 4 comités spécialisés actifs et efficaces, dispose d’un plan stratégique et connait une bonne progression dans le respect des normes internationales de son secteur d’activité) et (2) le FEICOM (tenue des sessions de conseil dans les délais, adoption d’indicateurs de performance qui permettent d’apprécier l’évolution des résultats), la mise en place d’un nouvel organigramme, signature des conventions).

  1. Les établissements qui ont régressé se caractérisent par un incivisme managérial

Comme pour l’analyse précédente, les rapports de la CTR renseignent sur les défauts des mécanismes de gouvernance qui justifient la faible performance de certains établissements publics. La « mal » gouvernance est la principale cause évoquée pour expliquer la contreperformance des ceux qui ont régressé : la tenue des conseils d’administration hors délais légaux, l’absence d’outils de gestion (suivi des performances), non application des dispositions concernant la gestion comptable des établissements publics. En plus de ces constats, il y a l’endettement insoutenable. Les détails de chaque établissement concerné sont présentés ci-après.

Pour ce qui est de la CENAME, on a observé en 2020 une recrudescence dans la tenue hors délais des sessions de conseils et l’inexistence d’un cadre stratégique de suivi des performances.

A l’IRAD en dépit des dispositions de la loi N°2018/012 du 11 juillet 2018 portant régime financier de l’Etat et des autres entités publiques, qui prescrit la mise en place de trois types de comptabilités (générale, budgétaire et analytique), seule la comptabilité budgétaire est appliquée.

Le FODECC, le FNE, le CIRCB, la SODECAO n’ont pas fait l’objet d’évaluation dans les rapports de la CTR pour 2019 et 2020.

Au regard de ce qui précède, il apparait que la qualité de la gouvernance et le fonctionnement des organes sociaux sont une condition de la performance des établissements publics. Si ce résultat paraît trivial, il a au moins le mérite de tirer la sonnette d’alarme pour les 64 établissements publics qui stagnent et les 6 établissements publics qui ont régressé (soit 70 établissements publics sur 75). Il est en effet urgent de s’intéresser à la qualité des mécanismes de gouvernance mis en œuvre. Celle-ci concerne la conformité à la loi (le respect des mandats), la qualité du travail accompli (production et validation des comptes) et la maitrise des ratios prudentiels de gestion. Par déduction on pourrait alors affirmer que les établissements publics ont besoin de renforcement de capacités en gestion (pour ceux qui ont au moins des préalables) et du recrutement des personnes disposant des compétences en gestion. La gestion d’un établissement comme toute autre entreprise relève d’un métier ! Heureusement, la loi prévoit un renouvellement des organes sociaux en 2023 ; ceux qui étaient en poste en 2017 auront fait 6 ans, durée maximale exigée. On s’attend donc à vivre un renouvellement important des Présidents des Conseils d’Administration et des membres des Conseils d’administration, si la loi est respectée ! C’est une bonne occasion de procéder à un renouvellement qualitatif des ressources humaines dans les établissements publics.

 

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Pr Viviane Ondoua Biwole

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