Qui sont les PCA des entreprises publiques camerounaises ?

Le 12 juillet 2023, dans exactement un mois, la réforme des entités publiques engagées en 2017 aura 6 ans, délai maximum pour le mandat des Présidents du Conseil d’Administration (PCA). Le 06 avril 2023 ; https://vivianeondouabiwole.com/2023/04/06/republique-exemplaire-le-president-de-la-republique-devrait-nommer-au-moins-48-pca-avant-le-12-juillet-2023/, nous avons répertorié au moins 48 PCA qui devraient être remplacés avant cette date au risque d’être en violation des dispositions des lois 010 et 011 du 12 juillet 2017. Si la question de leur renouvellement ne se pose pas en termes de « qui pourraient les remplacer ?», nous restons inquiets quant à l’absence d’un processus « relativement clair » sur le choix des profils des PCA. Si cette préoccupation est impertinente pour le juriste au nom du pouvoir discrétionnaire et donc non justifiable, en management, elle est intéressante car l’incidence du profil des dirigeants sur la performance des entreprises n’est pas neutre. La question qui nous préoccupe ici est alors de savoir quel est le processus de fabrique et quelle est la nature de la cartographie des PCA des 5 années de 2017 à 2021 ?

1. Le processus de fabrique des PCA : le pouvoir discrétionnaire du Chef de l’État

Le 11 juillet 2018, dans une tribune publiée dans mon blog https://vivianeondouabiwole.com/2018/07/11/qui-sont-les-managers-camerounais-et-que-valent-ils/, la question de l’identité des dirigeants camerounais et leur valeur avait été abordée. Ci-après un extrait de cette tribune :

« Qu’y a-t-il de commun entre mesdames Minja de l’API, Yaou haissatou de la SNI, Abondo de Lanacome, messieurs Mekulu de la CNPS, Akoa du FEICOM, Tang du MATGENIE et Mendzana de l’ENAM ? On peut élargir l’échantillon si on veut, il apparait évident que tous ces dirigeants ne viennent pas de la même école. En plus, bien que formés dans les métiers différents, tous n’ont pas suivi une formation commune en management ».

« La France et les USA donnent la responsabilité aux grandes écoles de commerce (Business school) ou d’ingénieurs de participer à la formation des futurs dirigeants. Nous ne faisons pas de différence ici entre les entreprises du secteur privé et celles du secteur public, les exigences de performance s’imposant à toutes. Ainsi, l’accès à un poste de direction est sanctionné par un diplôme de ces instituts. Le Japon et l’Allemagne confient aux entreprises la responsabilité de concevoir des curricula de formation pour leurs futurs dirigeants. La DRH se chargera alors de détecter les talents et les potentiels et l’entreprise mettra en place un programme de formation pour disposer d’un portefeuille de futurs dirigeants prêts à assumer des postes de responsabilité. Au Cameroun, il existe plusieurs écoles qui prétendent former les dirigeants : l’ESSEC (école supérieure des sciences économiques et commerciales), l’ENAM (pour les métiers de l’administration publique), l’Institut Supérieur de Management Public (ISMP), pour la formation des dirigeants déjà en activité (actuels ou aspirants), les instituts privés et les universités.

Bien que ces instituts existent, l’accès aux postes de direction, et surtout celui le plus élevé (DG, DGA, PCA) n’est pas toujours subordonné à un diplôme ou attestation de formation dans les institutions censées former les dirigeants. Cette situation est aggravée par la nature des curricula qui n’est pas toujours compatible avec les contraintes contextuelles auxquelles les entreprises font face. On pourrait dire que ces curricula focalisent davantage sur les éléments endogènes (propres à l’individu) et peu sur les exigences contextuelles ».

« Malheureusement l’administration publique camerounaise ne dispose pas de référentiel de compétences (ce qui est grave) pour le métier de gestionnaire. Dans la majorité des cas, les textes réglementaires ne prévoient pas de profils de poste pour les DG, DGA, PCA et membres du Conseil d’administration, des mesures minimales de gestion pour prétendre au festin de la performance. Le sacro-saint principe du pouvoir discrétionnaire souvent brandit pour légitimer voire encourager cette pratique s’oppose à toute logique de bon sens ! Pour qui sait ce qu’on entend par pouvoir discrétionnaire se réserverait de promouvoir durablement un tel dysfonctionnement dont les conséquences ne sont pas neutres dans la viabilité des entreprises publiques.

Si l’on veut prétendre disposer de managers aptes à braver les défis des lois de 2017, la question de la fabrique des gestionnaires sera une priorité à adresser au risque de considérer que ces lois relèvent essentiellement du cosmétique ! Ce n’est pas ma conviction en tout cas … »

Cette conviction justifie l’analyse de la cartographie des PCA ci-après.

2. Cartographie de PCA

L’analyse de la cartographie des PCA des entreprises publiques s’est intéressée à une période de 5 ans dont les données financières sont disponibles dans les rapports (2019, 2020 et 2021) de la Commission Technique de Réhabilitation. Ces données ont été utilisés en plus des profils des PCA disponibles dans les sites webs des entreprises, des profils LinkdIn et wikipédia. Ces informations ont été complétées et validées à l’aide d’entretiens avec les décideurs publics.

Il ressort que sur les 5 années de la période sous revue, 42 entreprises (voir rapport CTR) ont eu 56 PCA mais les informations ne sont pas disponibles pour 5 PCA. Il s’agit de : UTAVA et Magzi (PCA décédés et pas remplacés et informations pas disponibles sur les profils), MATGENIE, CICAM(pas d’informations disponibles), CAMPOST (il n’existe pas de PCA nommé formellement). Les durées au poste de PCA pour la période sous revue (2017 à 2021) sont de plus de 30 ans (Magzi, 47 ans ; Imprimerie Nationale 36 ans ; SNI, 30 ans), plus de 10 ans (CAMTEL, 19 ans ; SRC, 16 ans ; CAMWATER, 12 ans) et les autres 45 PCA totalisent chacun moins de 10 ans au poste.

Deux éléments sont retenus pour l’analyse de la cartographie des PCA : la formation de base et la fonction administrative.

Formation de base

Sur les 51 PCA, il apparaît une prédominance des administrateurs civils (31%), suivis des ingénieurs (16%) et universitaires (12%), comme l’illustre la figure ci-après.

Il apparaît alors que les profils des PCA se recrutent dans presque tous les domaines sauf dans celui de l’armée, de la magistrature et des inspecteurs d’État, entre autres. L’analyse des CV disponibles indiquent qu’aucun PCA ne dispose de formation diplômante de plus de 6 mois en management. Si on peut se satisfaire des profils connexes au management notamment le droit, l’économie et dans une certaine mesure l’administration générale à travers les administrateurs civils (connaissance de l’administration), les compétences induites ne semblent pas suffire pour assurer la performance dans les secteurs industriels et commerciaux dans lesquels évoluent les entreprises publiques. Au point où si certains PCA manifestent des compétences de management particulières, ce serait plus une exception que la règle.

Fonction administrative des PCA

Le tableau ci-après révèle que les PCA assument majoritairement les fonctions de ministre (41%), Conseiller technique et spécial (14%) et de Secrétaire général de ministère (12%).

Il apparaît alors que les PCA se recrutent au sein des administrations centrales. Qu’il s’agisse des profils ou des fonctions, les PCA des entreprises publiques sont issus des corps de l’administration publique et la plupart n’ont pas d’expérience entrepreneuriale et très peu (3 sur les 51) ont exercé dans les entreprisesprivées. Il apparaît également que 3 DG sont en même temps PCA en violation de la loi 011 du 12 juillet 2017 (bien que ce soit autorisé par les dispositions OHADA).

Pour conclure, à la question de savoir quel est le processus de fabrique et quelle est la nature de la cartographie des PCA des 5 années de 2017 à 2021, il apparaît que le processus de désignation des PCA obéit à l’usage libre du pouvoir discrétionnaire du Chef de l’État ; aucun préalable ou indication sur les profils ne transparaissent. Les résultats de ce processus révèlent que les PCA des entreprises publiques exerçant dans les secteurs marchands et concurrentiels ont des profils qui s’en écarte au sens de la formation de base et des fonctions administratives occupés. Quel est l’effet de ces profils sur la performance financière des entreprises publiques tant décriée ces 10 dernières années ? C’est une question qui mérite une analyse plus approfondie. La même analyse pour les DG et DGA ne serait pas sans intérêt ; ce sera l’objet d’une prochaine réflexion.

2 réponses sur “Qui sont les PCA des entreprises publiques camerounaises ?”

  1. Bien que pertinente l’analyse est pour ma part assez partielle. Non pas sur la nécessité du respect des lois de 2017, mais surtout sur la bien trop prééminence du facteur managériale dans le choix des futurs dirigeants. Surtout quand on sait à partir d’une appréhension contextualisée des modes de management de ces structures en particulier et du pays en général, que la conduite d’une structure ne peut et ne saurait se basé uniquement sur des considérations de performance et partant de bonne gouvernance. Pour mener convenablement une structure on a des besoins de moyens divers dont principalement les ressources financières. La logique de distribution étant intrinsèquement liée aux dynamiques politiques et politiciennes. La politique avec ses logiques propre prime sur l’aspect managériale. Pour dire en fait qu’une telle analyse, si elle ne tient pas compte des logiques écologiques, contextuelles, psycho-sociologiques et même culturelles, ne saurait véritablement répondre à l’objectif de promotion d’une meilleure gouvernance.

  2. Je souhaite avoir une formation de court terme en management. Je suis professeur de géographie dipes2 et diplômée d’un master1 en management environnemental.
    Coût et possibilités. Merci.

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