L’impact négatif de la Covid-19 sur l’emploi des femmes ne surprend guerre. Il y a peu de domaines qui aient échappé à la virulence de cette pandémie. L’intérêt est de savoir si elles sont plus impactées que les hommes.
La thématique de la journée internationale de la femme (JIF 2021) se célèbre dans un contexte particulier caractérisé par la pandémie à Covid-19. Comment ne pas questionner l’impact de cette maladie sur la femme camerounaise ? Il serait intellectuellement curieux de savoir si la Covid-19 est « genrée ». Les recherches disponibles à ce jour ne démontrent pas que le virus a un sexe et sa contamination ne discrimine entre les femmes et les hommes. Toutefois, il serait intéressant de savoir si les femmes jadis considérées comme plus vulnérables que les hommes sont plus impactées par la Covid-19. Nous avons choisi d’’explorer cette question à travers l’emploi.
J’ai réalisé pour le compte de la fondation Friedrich Ebert, une étude sur l’impact de la pandémie de la Covid-19 sur l’emploi au Cameroun (ipec) : Regard sur la situation de la femme et l’action syndicale. Cette étude a été menée (en juin 2020), 3 mois après la détection du premier cas Covid-19 (en mars 2020) au Cameroun auprès de 1316 ménages et 160 entreprises sur toute l’étendue du territoire. Il s’agit d’évaluer les effets immédiats ainsi que les conséquences de cette pandémie sur l’emploi au Cameroun avec un regard particulier sur les femmes et l’action syndicale. Nous partageons ici quelques résultats en rapport avec les femmes autour de 3 points : impacts sur l’emploi, sur le revenu et la mobilité, les migrations induites.
- Impacts sur l’emploi des femmes : la protection de l’emploi n’est pas « genrée »
Le chômage occasionné par la Covid-19 a touché un peu plus les hommes 72,73% contre 68,63% de femmes[1]. Mais plus la crise dure, plus les femmes seront affectées par le chômage car la propension à retrouver un emploi est plus faible chez les femmes (15,89% chez les femmes contre 27,27% chez les hommes).
Les entreprises dont les femmes sont propriétaires ont plus licencié les femmes (50%) que les entreprises détenues par les hommes (13,5%). La protection de l’emploi des femmes n’est pas « genrée », elle est commandée par le marché. Les licenciements sont justifiés par leur faible productivité. L’une des curiosités de ces résultats est que les raisons du licenciement ne sont pas liées à leur état physique, état matrimonial ou à leur absentéisme. On pourrait alors conclure qu’elles n’ont pas de compétences d’agilité ou des compétences adaptées aux nouvelles exigences de l’entreprise.
La crise de la Covid-19 a occasionné le licenciement de 12,7% du personnel permanent des entreprises de notre échantillon et 26,1% ont été envoyés en congé technique. L’on note que, l’emploi des femmes n’a pas été significativement affecté par la crise. En effet seulement 10,3% des femmes ont été licenciées contre 13,3% des hommes et 17,2 % des femmes envoyées en congé technique contre 28,3% d’hommes[2].
Depuis l’arrivée de la Covid-19 en mars 2020, un peu moins de la moitié (42,3%) des entreprises du Cameroun ont changé leur mode de fonctionnement. Ce changement est beaucoup plus perceptible dans les entreprises où les promoteurs sont les hommes (46%) et moins chez les femmes (27,6%). Ce qui laisse croire à une faible flexibilité ou capacité des femmes à s’adapter ou à l’inverse à une résilience des femmes.
La pandémie a négativement impacté le revenu et la mobilité des femmes Globalement, il se dégage que les ménages ont connu une diminution de leur revenu du fait du coronavirus. L’argent gagné avant la survenance de la pandémie COVID-19 est dans 36,3 % de ménages plus que ce qu’ils gagnent actuellement, 35,6 % gagnent à peu près la même chose et environ un quart de ménage gagnaient moins que ce qu’ils ont actuellement.
Dans l’ensemble, les hommes ont été relativement plus victimes de cette pandémie que les femmes. Il s’avère que 39 % des hommes gagnaient plus d’agent avant la pandémie contre 32 % de femmes.
Suivant le statut matrimonial, les ménages des veufs (33 %) et des personnes n’ayant jamais été en couple (23.5 %) représentent la catégorie qui a connu le plus de changement de secteur d’activité. L’écart hommes-femmes de changement de secteur d’activité varie en fonction des caractéristiques sociodémographiques. Cet écart est à la défaveur des femmes. Il est plus marqué chez les mariées, les veufs, et dans les régions d’enquête de Douala, du Centre hormis Yaoundé, de l’Extrême Nord et de l’Adamaoua.
En ce qui concerne les mutations dues à la pandémie, les résultats montrent que plus de 7 personnes sur 10 étant en activité à la première semaine de mars ont perdu leurs situations professionnelles trois mois plus tard. De même, environ 30 % ont connu une mutation d’emploi par rapport à la première semaine du mois de mars 2020. Parmi ceux-ci, 14 % ont changé de secteur d’activité. Le chômage occasionné par la Covid-19 a touché plus d’hommes que les femmes. Cependant, les femmes ont changé le plus de secteurs d’activités que les hommes. La catégorie d’âge 35 et plus ont davantage perdu leurs emplois par rapport aux autres groupes.
La stigmatisation est le principal effet néfaste de la Covid sur l’emploi des femmes lorsqu’un membre de la famille est atteint ou décédé. Les femmes (11 %) sont plus victimes de licenciement que les hommes (0 %) en cas de contamination à la Covid que ce soit elle-même ou un membre du ménage.
Ces résultats suggèrent des recommandations de politiques publiques visant à protéger l’emploi des femmes pour éviter d’accroître leurs vulnérabilités et accentuer les inégalités entre hommes et femmes. Sinon, on pourrait assister à l’émergence d’ une nouvelle catégorie de vulnérabilités issues de la Covid dont la faible agilité serait en cause.
Ainsi, plus que par le passé, l’impact de la pandémie à Covid-19 sur l’emploi des femmes semble indiquer une exigence autocentrée dans la lutte contre les inégalités hommes/femmes. Les femmes entrepreneure témoignent de ce que l’éviction du marché se fait sur la base de la compétitivité et de la capacité d’adaptation des femmes aux nouvelles exigences du marché. La Covid-19 n’a pas de préférence de genre.
Bonne fêtes mesdames ; prenez-vous en main !
[1] Résultats des enquêtes auprès des ménages.
[2] Résultats des enquêtes auprès des entreprises.
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