La question qui nous préoccupe est de savoir comment assurer l’efficacité des programmes humanitaires tout en préservant la souveraineté des États.
Il y a des semaines comme celle-ci du 04 au 8 octobre 2021 qui nous rappelle le plaisir de notre métier, le métier d’enseignant. Outre la célébration de la journée de l’enseignant célébrée tous les ans le 05 octobre, c’est une belle coïncidence pour moi de participer à trois colloques de haut niveau. Les 04 et 05 octobre c’est avec un plaisir inégalé que j’ai modéré les travaux du troisième forum de la Commission des Gouverneurs du Bassin du Lac Tchad. Aujourd’hui, le 08 octobre, comme mes collègues universitaires, je vais participer au colloque international sur le thème : « l’interaction entre les acteurs impliqués dans la gestion des crises humanitaires en Afrique : complémentarité ou rivalité ?» organisé par le centre de recherche et de documentation de l’Ecole Internationale des Forces et Sécurité (EIFORCES) du 7 au 8 octobre 2021 au palais des congrès de Yaoundé. Ce même jour dans l’après-midi, je vais joindre ma voix à celles d’autres collègues du département de sociologie (coordonné par mon très cher Pr Leka Armand Essomba) qui rendent un hommage mérité au grand sociologue camerounais Jean Marc Ela autour du thème : la question sociale au Cameroun : formes, enjeux et pistes de réponses. Je vais y délivrer une communication sur le thème : la problématique du genre et l’inclusion sociale.
L’objectif de mon post est de vous parler de ma présentation de l’EIFORCES sur l’aide humanitaire. La problématique de l’efficacité des programmes cache à peine la crise de confiance qui existe entre les États souverains et les organismes humanitaires censés apporter leur appui à la gestion des crises humanitaires. En effet, l’on a assisté depuis une vingtaine d’années au déplacement des interventions des organismes internationaux passant de la posture d’acteurs de la périphérie à celle d’acteurs stratégiques dont les actions vont au-delà d’un simple appui pour arborer, dans certains cas, les rôles de « donneurs d’ordres ».
Pour nous en convaincre, prenons le cas de la gestion de la pandémie à Covid 19 encore en cours dans tous les pays. Si l’on peut comprendre que cette maladie renie le principe de l’intangibilité des frontières, fragilisant ainsi la souveraineté des États, il faut reconnaître que sa gestion dévoile leur fragilité. Ils sont incapables de résoudre par eux-mêmes et en toute souveraineté, les problèmes de leurs populations. Comme pour la pandémie à Covid-19, l’actualité d’autres crises apporte la preuve de la transgression des frontières : terrorisme, catastrophes naturelles, cybercriminalité, les migrations. Dans ce contexte, l’action de l’Etat est relativisée dans la recherche de solutions durables et efficaces et les propositions transversales sont adoptées moyennant quelques ajustements.
Deux phénomènes se dégagent du constat ci-dessus. Le premier est la dépossession de la souveraineté des mains des élus (comme on le sait dans le principe) vers les experts (de la médecine, et ici matérialisé par la mise en place dans tous les pays, d’un comité scientifique chargé de préparer la décision des politiques sur les comportements à imposer aux citoyens). Le deuxième phénomène est la dictature des pays riches à travers les dons (sans doute de bonne foi) qui, pour se protéger, sont obligés de se préoccuper voire d’imposer des décisions (vaccination, mesures de sécurité aux frontières) aux pays en développement, émergents ou pauvres. Cette réalité ignore, sans tabou, le principe d’ingérence.
On assume désormais la réalité de la porosité des frontières et la cohabitation des acteurs aux intérêts parfois divergents. C’est le cas lorsque les organismes d’assistance humanitaires interviennent dans un pays à la suite d’une guerre entrainant des dommages sur les civiles. Plusieurs observateurs de la scène ont cependant décrié des « glissements » dans l’action humanitaire. D’une logique d’assistance à une confrontation d’actions parfois convergentes et des fois divergentes, la scène internationale a connu de profondes transformations, et l’on assiste à une concurrence entre les États et les acteurs transnationaux. Ce contexte multi acteurs créé à la faveur des transactions régulières, des rapports de forces entraine une perte de contrôle des États et une fragilité de leur souveraineté. Cette réalité est propice à l’expression des rapports de forces qui échappent à la seule logique juridique ou sécuritaire. Les élus, les politiques se trouvent dans les faits à partager leur espace de pouvoir avec d’autres acteurs dont l’importance peut fragiliser leur autorité.
Ainsi, l’efficacité des programme n’est plus appréciée seulement au plan microéconomique du point de vue des bénéficiaires, mais au plan macroéconomique du point de vue des États. Dans ces conditions, la question qui nous préoccupe est de savoir comment assurer l’efficacité des programmes dans leur rôle d’appui tout en préservant la souveraineté des États ? La question de l’efficacité ici se réfère alors à l’analyse des rapports qui pourraient exister entre ces programmes et les États, la question de leur importance et de leur pouvoir étant déjà actés. Il s’agit alors d’apprécier leur efficacité dans leurs rapports concurrents avec les États. L’analyse se structure en deux points : l’analyse de la crise comme source de dépendance des États et l’identification des conditions d’efficacité des programmes humanitaires en contexte de dépendance des Etats. Elle s’appuie sur deux principales théories des sciences de gestion, la théorie de la dépendance des ressources (Pfeffer et Salancik, 1978) et la théorie institutionnelle (DiMaggio et Powell, 1983) pour formuler quelques pistes de recommandations.
Je vous invite à nous suivre, nous allons nous abreuver à ces agapes intellectuelles !