UN VIOL DOULOUREUX A CIEL OUVERT !

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Pourquoi est-il si difficile de respecter les lois au Cameroun ? Cette question préoccupe tous les observateurs de la scène publique. Autant les lois sont votées très souvent conformément aux défis à relever autant elles sont violées par les acteurs chargées de les appliquer. Ce qui est plus inquiétant c’est que ces lois sont violées parfois par l’élite administrative garante de leur respect et en principe soucieuse de leur impact.

Le journal Kalara du 30 juillet 2018 relayait le cas d’un haut responsable membre du conseil constitutionnel dans l’exercice de sa fonction de PCA, cumulativement avec celle de membre du conseil constitutionnel rappelant la flagrance de cette incompatibilité par celui dont la responsabilité est de se prononcer sur la constitutionnalité des actes. Plus tôt, le 13 juillet 2018 après la date de conformation que le législateur a donné aux entreprises et établissements publics pour s’arrimer à toutes les dispositions des lois de 2017 portant statut de ces entreprises, nous constations que seulement 5 entreprises sur 184 avaient leur décret de création arrimés à ces dispositions, que les mandats de certains  DG, PCA et membres des CA dont le terme était dépassé n’ont pas été remplacés, que tous les membres des conseils d’administrations n’ont pas d’actes réguliers (décret du Président de la République). Précisément, les responsabilités attribuées aux tutelles et aux PCA par les lois de 2017 n’ont pas été assumées par ces derniers. Qu’est-ce qui peut légitimement expliquer cette violation consciente et flagrante de la loi par ceux-là qui sont censés en assurer sa mise en œuvre ? La protection des privilèges serait-elle la seule explication ? Pourquoi les institutions publiques dont le rôle est de s’assurer du respect des lois restent-elles muettes ? Malgré l’indignation du citoyen relayée pour plupart par les médias comment expliquer ce viol de la gouvernance ? Ah oui, il s’agit bien d’un viol douloureux et à ciel ouvert !

Ces phénomènes amènent à questionner la légitimé de nos lois et décrets. Au sens restreint, la légitimité est la qualité qui, attri­buée à un ordre juridico-politique, suppose sa « reconnaissance » comme domination, et la reconnaissance de sa capacité à dicter des ordres auxquels on doit obéir. Pour s’assurer de l’effectivité des lois de 2017, le législateur a expressément fixé le délai (12 mois) pour la conformation des entreprises et les différentes modalités à respecter. Ceci sans doute pour éviter de tomber dans la trop longue progressivité observée dans l’exécution de certaines lois. Hélas, pour se donner une raison, il y a un autre concept relevant de notre invention, celui de la tolérance administrative. Ce concept est souvent utilisé comme arme pour justifier la violation des lois par ceux qui sont chargés de les faire respecter ! L’explication de la violation régulière de la loi au Cameroun est présentée dans l’ouvrage publié en 2015 sur La budgétisation par programme en Afrique. Entre balbutiements et résistances (2015 ; p.105-108). Il apparait que ce phénomène s’explique par deux raisons fondamentales :

  • Une raison technique : le faible attachement à l’Etat de droit et l’importance des institutions juridictionnelles chargées de faire respecter la loi d’une part et la perception qu’ont les acteurs du rôle de la loi, plus comme un encadrement qu’une injonction, d’autre part. Il faut ajouter à cela les difficultés techniques d’appropriation des réformes portées par les lois et décrets.
  • Deux raisons politiques : au Cameroun, le concept de tolérance administrative semble légitimer certaines violations des lois par les autorités en charge de leur exécution ou respect. De même, le Président, chef de l’État, est la clé de voûte de tout l’édifice constitutionnel. Il assure la direc­tion effective de l’exécutif en même temps qu’il concentre entre ses mains l’essentiel du pouvoir. Il détermine la politique de la nation, nomme aux emplois civils et militaires, nomme et révo­que les ministres ad nutum. Les ministres, juxtaposés les uns par rapports aux autres, culti­vant l’humilité, gèrent leur départements respectifs un peu à la manière des chefs de service, ils apparaissent comme d’excellents exécutants ! Ils sont à tort ou à raison soupçonnés de n’être intéressés que par le souci de conserver leur poste.

Quoi qu’il en soit, cette situation ternie l’image du Cameroun freine les réformes. Elle est en partie responsable de la contreperformance des entreprises du secteur public décriée depuis plus de 10 ans. L’élite administrative est donc interpellée !

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